250514 - MUS QZD - RAVEL - « FRAGMENTS » - BERTRAND CHAMAYOU

 





250514 - MUS QZD - RAVEL - « FRAGMENTS » - BERTRAND CHAMAYOU





MAURICE RAVEL

1875-1937

« Fragments »

Bertrand Chamayou (piano).

ERATO.

RAVEL – Daphnis et Chloé (Trois fragments).

RAVEL – La Valse

RAVEL – Trois beaux oiseaux de paradis.

RAVEL – Pièce en forme de habanera.

RAVEL – Chanson de la mariée.







TECHNIQUE : 3,5/5

Enregistré en décembre 2024 aux Studios Miraval de Correns (France) par Harold Guyet-Paul, Paulin Guiraudon, Jules Bonnet et Marceau Bertolier. La captation au plus près de l'instrument permet une restitution détaillée avec une présence du son immédiate et brute. Légère confusion dans le bas médium mais très belle richesse des timbres.





En 2024, Bertrand Chamayou écartait de son intégrale du piano seul de Ravel les pièces de jeunesse. Deux transcriptions signées par le compositeur manquaient aussi à l'appel : cette Valse et ces « fragments » de Daphnis et Chloé, le pianiste les glisse ici dans un « kaléidoscope » dont il a le secret. Trois arrangements de sa main s'y mêlent en outre à cinq hommages rendus à Ravel par ses amis et trois évocations qu'il a inspirées à des musiciens plus près de nous.

Dès Trois beaux oiseaux du paradis, on admire le sens de la respiration et du dessin général, de la couleur aussi. La Danse légère et gracieuse de Daphnis s'épanouit dans des teintes pastel quand la Valse tournoie, avec une ivresse formidablement graduée, et cela dans un mouvement imperturbable, avec des graves d'une profondeur qui suggèrent tantôt la volupté tantôt l'angoisse.

Frappe également, comme hier chez Satie et Cage, la subtilité des enchaînements : Chamayou joue autant qu'il sertit les joyaux qu'il a choisis. Une Chanson de la mariée comme portée par les vibrations du vent prélude à De la nuit (1971) de Sciarrino, qui télescope dans sa fluidité scintillante des souvenirs d'Ondine et de Scarbo. À ces ombres, ces frémissements répondent ceux du Nocturne de Dapnis. Chamayou nous scotche dans cette scène fantastique qu'il anime crescendo jusqu'aux fracas de la Danse guerrière. Cet aboutissement jamais poseur, cette évidence du geste l'emportent sur Vincent Larderet (Ars), et le dispute à Claire-Marie Le Guay (Accord) – qui osait la Danse générale dont Chamayou fait l'économie, prenant ainsi congé sur la pointe des pieds.

Le clin d'œil adressé par Ricardo Vines et son Menuet spectral (1938) nous bouleverse : salut mélancolique au copain d'enfance disparu, subrepticement illuminé de sourires espiègles. Puis le brouillard harmonique et les tendres mystères d'une Élégia (1945) de Xavier Montsalvatge nous amènent en douceur à l'onirisme acéré des Signets (1987) de Betsy Jolas. Cet manière de rêver un nouvel et étrange Gaspard de la nuit entre en résonnance avec le glas de Gibet, convoqué par Frédéric Durieux dans Pour tous ceux qui tombent (1997).

Le ragtime du Prélude n°5 (1921) de Tanzman, qui semble préfigurer le duo de la théière et de la tasse chinoise dans L'Enfant et les sortilèges. Les citations évanescentes de la Sonatine qui émaillent L'Hommage (1920) d'Arthur Honegger, des cambrures gitanes imprimées par Joaquin Nin à son Mensaje (1929) : le moindre détail s'insère dans une image idéalement construite et un discours qui subjugue par son autorité, sa singularité, sa poésie.

François Laurent




Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

250607 - CIN FIL - ARTE - « POURQUOI PAS » - DE COLINE SERREAU

250213 - CIN FIL -ARTE - « UN JOUR J'AURAI UNE ÎLE » - DE VINCENT WEBER

250811 - CIN FIL - ARTE - « DON'T COME KNOCKING - DE WIM WENDERS