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LES
MISÉRABLES »
de
HADL
LY
2019
– France
avec
Damien Bonnard, Alexis Manenti, Djebril Zonga, Jeanne Balibar,
Issa Perica, Al-Hassan Ly,Omar Soumare, Almamy Kanouté
1
h 38
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Fraîchement
débarqué à Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, un jeune flic
découvre les méthodes violentes de ses collègues... Manifeste
multiprimé, le premier long métrage de Ladj Ly ausculte avec
justesse les lignes de fracture sociale d’une cité sous haute
tension.
Été
2018. Issa, Gavroche moderne de Montfermeil, célèbre à Paris la
victoire de la France à la Coupe du monde de football, alors que
Stéphane, jeune flic débarqué dans la ville, est affecté à la
brigade anticriminalité (BAC). Avec ses collègues Chris et
Gwada, qui s’enorgueillissent de leurs méthodes de cow-boys, il
patrouille dans la cité des Bosquets sous haute tension, attisée
par la canicule. Quand un lionceau est volé dans un cirque de
passage, des Gitans survoltés menacent de mettre le feu aux
poudres. La traque s’organise au pied des tours, avec l’aide
des aînés qui contrôlent le quartier, jusqu’à la bavure
policière.
Mécanique
de l’embrasement
Assumant
l’héritage de Victor Hugo, Ladj Ly, qui connaît bien la cité
des Bosquets pour y avoir grandi, signe avec ces Misérables
du
XXIe siècle un premier long métrage ultratendu pour ausculter
magistralement une banlieue en état d’alerte. Comme vingt ans
plus tôt dans la concorde illusoire de 1998, l’euphorie de la
Coupe du monde où s’immerge une légion de "microbes"
– comme les aînés appellent les plus jeunes – ne suffit pas
à dissoudre la rage qui s’amplifie au fil du récit. L’autorité
déclinante des adultes, des "grands frères" dépassés
aux mères éreintées, échoue à contenir la vague submersive
surgie d'une abyssale impasse. Une révolte portée à
l’incandescence par Issa, enfant rebelle et victime, dont le
visage défiguré par un Flash-Ball traduit toute l’indicible
fureur. Sans pathos, le cinéaste expose la mécanique de
l’embrasement à l’échelle d’un territoire, renvoyant dans
ce cocktail de misère, de trafics, d’abandon, de panique et de
violence sociale les protagonistes de l’affrontement à leur
détresse solitaire. De leur courte marge, deux témoins observent
le désastre en cours, ramassé en quarante-huit heures pour
intensifier l’urgence. Atterré par les méthodes de ses
collègues – le raciste Chris, dont le recours arbitraire à la
force cache la peur au ventre, et Gwada, transfuge né dans la
cité qui voile de désinvolture son profond mal-être –,
Stéphane (formidable Damien Bonnard, en apnée) s’abstient de
dénoncer leurs débordements par solidarité de métier. Mais des
toits, un préado binoclard, mains innocentes rivées à la
manette de son drone, a capté la bavure… Entre chronique
sociale et film d’action, un déchirant sauve-qui-peut la
banlieue, comme un cri dans le désert politique.
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