251009 - MUS DIA IND - N°183 - MARIA YUDINA - MOUSSORGSKY, BEETHOVEN, BRAHMS & BACH

 





251009 - MUS DIA IND - N°183 - MARIA YUDINA - MOUSSORGSKY, BEETHOVEN, BRAHMS & BACH








Avec sa croix sur la poitrine, Maria Yudina détonnait dans cette Union soviétique où mieux valait ne pas trop dépasser du rang. La foi ardente qu'elle professait et la liberté de parole dont elle pouvait user face à Staline, qui déclara qu'elle était sa pianiste préférée, ne l'empêcha pas de payer au prix fort son anticonformisme et d''être longtemps interdite d'enseignement ou de concert.

Cet engagement se retrouve dans ses enregistrements, qui nous révèlent une interprétation fascinante, farouche, sans compromis. « Quand elle jouait la musique romantique, c'était impressionnant, même si elle ne jouait absolument pas ce qui était écrit », racontait, un peu jaloux, Sviatoslav Richter. Lucide, Chostakovitch lui confia au sujet de ses Préludes et fugues : « ce n'est pas du tout ce que j'ai écrit mais, s'il vous plaît, jouez-les comme vous le faites. » Car il y a chez Yudina une ferveur, une générosité allant du recueillement extatique, quasi en apesanteur, à un bouillonnement rageur parcouru de vagues emportant tout sur leur passage.

Au sein d'un répertoire immense, on croise aussi bien les classiques viennois que les contemporains (de Berg à Jolivet), quitte à s'attirer les foudres du régime en jouant les compositeurs mis à l'index. Bach occupe naturellement une place à part, médium idéal pour se rapprocher de la divinité.

Notre Indispensable s'ouvre ainsi sur quelques pages du Cantor auquel Yudina n'hésita pas à consacrer des récitals entiers, avec notamment une saisissante Fantaisie chromatique et fugue captée en 1948, sorte de jugement dernier en moins de dix minutes.



Autorité et liberté

Et que dire du Prélude et fugue revu par Liszt ? Dans cette gravure de 1952, l'autorité, les couleurs, le sens de l'architecture et de la clarté polyphonique feraient pâlir bien des organistes. Son Bach, pour autant, n'avait rien de monolithique. Emprunté au second Livre du Clavier bien tempéré, le Prélude et fugue BWV 887 arbore en 1956 des accents qui le font swinguer.

Beethoven et ses ultimes sonates constituaient un autre pilier de Yudina. En 1958, elle livre cet Opus 101 dont la tendresse consolatrice, mêlée d'une vigueur presque rustique, s'accompagne d'une vertigineuse liberté rythmique.

Ces mêmes qualités irriguent l'Opus 24 de Brahm, dans lequel une ligne d'horizon ferme et décidée n'empêche pas chaque variation d'être parfaitement caractérisée – la boîte musicale de la Variation XXII vaut à elle seule le détour ! Glissons en bonus une perle méconnue et rêveuse de Moussorgski, à la ligne presque nue, qui referme ce portrait de l'une des personnalités musicales les plus singulière et attachante du siècle dernier. ■

Laurent Muraro










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