251013 - MUS QZD - GLUCK - ORPHÉE ET EURYDICE - REINOUD VAN MECHELEN, LES ARTS FLORISSANTS, PAUL AGNEW

 





251013 - MUS QZD - GLUCK - ORPHÉE ET EURYDICE - REINOUD VAN MECHELEN, LES ARTS FLORISSANTS, PAUL AGNEW






CHRISTOPH WILLIBALS GLUCK

1714-1787

« Orphée et Eurydice »

Reinoud Van Mechelen (Orphée), Anne Vieira Leitge (Eurydice, une Ombre heureuse), Julie Rosset (Amour), Les Arts Florissants, Paul Agnew..

HM (2 CD).

GLUCK – Orphée et Eurydice.






TECHNIQUE : 4/5

Enregistré en juillet 2024 en l'église Notre-Dame du Liban à Paris par Olivier Rosset et Daniel Zalay. Une image ample et homogène avec une belle cohésion du chœur et de l'orchestre. La densité des textures s'accompagne d'un fort relief dynamique. Les voix solistes s'intègrent avec naturel, sans surplomb ni déséquilibre.





Pendant les répétitions de l'Orphée à l'été 1774, Gluck, mécontent de la manière dont le ténor Legros lançait ses « Eurydice ! » initiaux, lança lui-même : « Criez de douleur, comme si on vous coupait une jambe. » Paradoxe de cet opéra entre élégie et tragédie : Gluck poursuit sa quête d'une expressivité nouvelle, antibaroque, lors même que l'œuvre, depuis sa version originale en italien (Vienne, 1762) fut conçue en miroir de la tradition française (Castor et Pollux de Rameau au premier chef) et que le remaniement parisien de 1774 l'y rapatrie en partie.

Après la puissance visionnaire qu'exhalait Marc Minkowski avec Richard Croft (2002, Archiv), le nouvel enregistrement des Arts Florissants sous la direction de Paul Agnew fait entendre l'œuvre de façon neuve en animant cette musique avec une maîtrise et une finesse de trait (dans le sillage du siècle de Louis XV) qui n'affadissent pourtant pas le nerf pathétique. Une fois passé un chœur d'entrée inutilement alenti, la justesse du tempo, du tactus, convainc par son alliance de délicatesse et de rigueur – jusque dans les proportions du ballet final, aristocratique et voluptueux à la fois.

Le Tartare est vraiment maestroso, terrible sans vociférer, la confrontation avec les Furies est supérieurement construite. La contemplation sublime de l'Élysée ne gomme pas les tenues lancinantes aux altos et bassons. Partout séduit le rapport entre l'articulation nette des cordes et la beauté parlante des vents en solo (ce hautbois, cette flûte !), ou encore la manière dont la voix humaine se marie à celle des instruments, dès l'air en rondo d'Orphée à l'acte I.

Cette rencontre entre le raffinement et la profondeur se retrouve dans l'équipe vocale – et avec quelle beauté de langue (prosodie, liaisons exemplaires) ! Le chœur des Arts Florissants cultive à la fois l'éloquence et les couleurs harmoniques avec une justesse d'accents qui impressionne. Julie Roset est d'autant plus parfaite que son Amour, souriant avec gravité, n'a rien de mignard. Eurydice a connu des sopranos au timbre plus personnel que celui d'Ana Veira Leite, mais rarement un caractère aussi poignant, ami des silences – et le délié de la ligne dans « Cet asile aimable et tranquille » est un atout de plus.

Le rôle titre trouve Reinoud Van Mechelen, styliste hors pair, à un degré idéal de maturité vocale et artistique après les extraits magnifiques de son album-hommage à Legros en 2020 (cf. N°726). Moins sanguin et tourmenté que Richatrd Croft (il ne clame pas sa douleur), cet Orphée offre avec une noblesse jamais prise en défaut la variété des couleurs de voix et d'âme imaginée par Gluck. Aigu impérial dans son contrôle, assise superbe dans le bas du registre, manière de phraser dans rien de trop : révérence ! Si l'ariette virtuose est délivrée avec une sobriété quasi graphique, l'intelligence des gradations suspend l'auditeur au chant de l'interprète dans chacune des séquences.

De cette unité organique, qui n'exclut pas la révélation de tant de détails, résulte une version majeure de cet opéra si souvent joué, si souvent mal entendu.



Jean-Philippe Grosperrin




Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

251117 - CIN FIL - ARTE - « PATRICK » - DE GONÇALO WADDINGTON

250607 - CIN FIL - ARTE - « POURQUOI PAS » - DE COLINE SERREAU

250213 - CIN FIL -ARTE - « UN JOUR J'AURAI UNE ÎLE » - DE VINCENT WEBER